Cette fiche pratique n'est temporairement plus à jour
(dernière mise à jour: février 2011)
Comment s’établit le lien de filiation paternel?
Hormis le cas particulier de l’adoption (voir la fiche pratique sur l’adoption), il existe différentes façons selon lesquelles un homme peut devenir le père légal d’un enfant, que ce soit dans ou en dehors des liens du mariage.
En droit belge, trois modes d’établissement du lien de filiation sont prévus : la présomption de paternité lorsque l’homme est marié à la mère de l’enfant, la reconnaissance de l’enfant ou le jugement.
Selon quelles conditions un lien de filiation pourra-t-il être établi en Belgique (art. 62 §1 CODIP)?
La paternité ou la maternité d’une personne s’établit selon les conditions fixées par le droit de l’Etat dont elle a la nationalité pour autant que ces conditions ne soient contraires à l’ordre public.
La nationalité qu’il faut prendre en compte est :
- la nationalité de la personne au moment de la naissance de l’enfant ;
- si la filiation est établie par un acte volontaire (ex : une reconnaissance), la nationalité de la personne au moment de cet acte.
Le consentement de l’enfant
La question de savoir si l’enfant doit donner son consentement à l’établissement de la filiation est déterminée par le droit désigné selon la règle ci-dessus.
Ce droit précise également à quelles conditions le consentement de l’enfant doit être donné et comment ce consentement doit s’exprimer.
Toutefois, si ce droit ne prévoit pas l’exigence du consentement de l’enfant, c’est le droit de la résidence habituelle de l’enfant qui s’appliquera au consentement.
Exemple : Une femme de nationalité belge et un homme de nationalité néerlandaise ont ensemble un enfant. L’homme sera admis, par la commune belge, comme père de l’enfant si les conditions fixées par le droit néerlandais sont respectées.
Remarques :
- En Belgique, si une personne a plusieurs nationalités dont la nationalité belge, on retiendra cette dernière. Si une personne a plusieurs nationalités étrangères, on retiendra la nationalité avec laquelle la personne est la plus liée (ex : la nationalité de l’Etat dans lequel elle vit depuis des années) (art. 3 §2 CODIP).
- Si une personne est apatride, a été reconnue réfugiée ou s’il est impossible d’établir sa nationalité, on prendra en compte la loi de l’Etat sur le territoire duquel elle a sa résidence habituelle et non sa loi nationale (art. 3 §3 et §4 CODIP).
- Lorsqu’une disposition de droit étranger applicable à la filiation se révèle contraire à l’ordre public, elle sera écartée au profit d’une autre disposition pertinente de ce droit ou à défaut, au profit du droit belge (art. 21 CODIP).
Que détermine le droit applicable à la filiation ? (art. 63 CODIP)
Le droit applicable à la filiation, tel qu’il est désigné dans la question 2 (càd le droit national de la personne dont on veut établir la paternité ou maternité), détermine entre autres :
- qui peut rechercher un lien de filiation ;
- qui peut contester un lien de filiation ;
- à qui revient la charge de la preuve du lien de filiation, quel est l’objet de la preuve et quels sont les modes de preuve ;
- quelles sont les conditions et les effets d’une possession d’état ;
- dans quels délais les actions en matière de filiation doivent être introduites.
Le mari de la mère est-il automatiquement considéré comme le père de l’enfant?
Dans la majorité des droits, le fait qu’un homme soit marié avec la mère de l’enfant présume de sa paternité. Dans cette hypothèse, le mari est automatiquement considéré comme le père de l’enfant par le simple effet de la loi. C’est ce qu’on appelle « la présomption de paternité ».
Cette présomption de paternité peut même s’appliquer au-delà de la dissolution du mariage (ex : après un divorce ou un décès) si l’enfant naît dans un certain délai après que le mariage soit dissout.
Il existe des situations dans lesquelles la présomption de paternité est écartée.
L’existence d’une présomption de paternité dans le chef du mari de la mère et les conditions selon lesquelles elle s’applique ou peut être écartée sont à vérifier dans le droit de l’Etat dont le mari a la nationalité au moment de la naissance de l’enfant (art. 62 §1 CODIP).
En droit belge (applicable si le mari a la nationalité belge),
La présomption de paternité s’applique lorsque :
- l’enfant est né pendant le mariage (art. 315 C.civ.);
- l’enfant est né dans les 300 jours après la dissolution ou l’annulation du mariage (délai à compter à partir du jour où le jugement à force de chose jugée) (art. 315 C.civ.).
Toutefois, si l’enfant naît dans les 300 jours après la dissolution ou l’annulation du mariage mais après que la mère se soit remariée avec un autre homme, la présomption de paternité de l’ex-mari de la mère tombe au profit de son nouveau mari (art. 317 C.civ.).
La présomption de paternité n’est pas applicable lorsque :
- l’enfant naît plus de 300 jours après que la séparation des époux ait été actée judiciairement. (ex : par le dépôt de la requête en divorce par consentement mutuel) (art. 316bis C.civ.);
- l’enfant naît plus de 300 jours après que les époux soient inscrits à des adresses différentes dans le registre de la population, des étrangers ou d’attente (art. 316bis C.civ.). Le délai de 300 jours commence à courir le lendemain de l’inscription dans l’un des registres;
- l’enfant naît plus de 300 jours après une décision du juge de paix qui autorise les époux à vivre séparément et moins de 180 jours après la réunion des époux en cas de réconciliation des époux (art. 316 bis C.civ.);
- l’enfant naît plus de 300 jours après la disparition du mari constatée dans un jugement déclaratif d’absence (art. 316 C.civ.).
Dans les trois premières hypothèses de non-application de la présomption de paternité visées ci-dessus (art. 316bis C.civ.), la présomption de paternité pourra néanmoins être appliquée si les époux font une déclaration commune dans ce sens au moment de la déclaration de naissance.
Comment contester la paternité établie à l’égard du mari de la mère ?
La possibilité de pouvoir contester la paternité du mari de la mère et les conditions qui doivent être remplies pour pouvoir le faire sont fixées par le droit de l’Etat dont le mari (présumé père) a la nationalité au moment de la naissance de l’enfant (art. 62 §1 CODIP).
Exemple : Un enfant né d’une femme belge mariée à un homme français aura pour père cet homme. Si le père biologique souhaite contester la paternité du mari, il faudra voir dans le droit français si le père biologique remplit les conditions pour intenter une action en contestation de paternité.
En droit belge (art. 318 C.civ.) (applicable lorsque le mari est belge),
La présomption de paternité du mari peut-être contestée dans les conditions suivantes :
Qui peut introduire l’action et quand ?
- Par l’enfant, entre ses 12 ans et ses 22 ans ou après ses 22 ans s’il agit dans l’année de la découverte de la non-paternité l’homme prétendu être le père ;
- Par la mère et ce, dans l’année de la naissance de l’enfant ;
- Par le mari et ce, dans l’année de la découverte de sa non-paternité ;
- Par les ascendants et descendants du mari lorsque celui-ci est décédé en étant dans le délai pour introduire l’action en contestation de paternité. L’action en contestation doit être introduite dans l’année du décès du mari ou de la naissance de l’enfant ;
- Par celui qui revendique la paternité de l’enfant et ce, dans l’année de la découverte de sa paternité ;
- Par l’ex-mari de la mère lorsque l’enfant est né dans les 300 jours après la dissolution ou l’annulation du mariage et après le remariage de la mère avec un autre homme. L’action en contestation doit être introduite dans l’année de la découverte par l’ex-mari de sa non-paternité.
Objet de la preuve et fondement de l’action ?
- De manière générale, la contestation de paternité est fondée s’il est prouvé que le mari de la mère n’est pas le père de l’enfant.
- La contestation est également fondée lorsque la filiation maternelle a été établie par reconnaissance ou par décision judiciaire, lorsque l’action en contestation de paternité est introduite par le mari lui-même avant que la filiation maternelle ne soit établie ou encore dans les cas visés à l’article 316bis du Code civil (cas où la présomption de paternité aurait pu être écartée, voir la question 4).
- La contestation émanant du père biologique n’est fondée que s’il est en mesure d’établir sa paternité à l’égard de l’enfant et si les conditions de l’article 332 quinquies du Code civil sont respectées.
A ce propos, l’article 332quinquies précise notamment que l’action en contestation de paternité introduite par le père biologique n’est pas recevable lorsque l’enfant majeur ou l’enfant mineur émancipé s’y oppose. Elle est également irrecevable en cas d’opposition de l’enfant de douze ans ou de la mère d’un enfant d’au moins un an si le juge estime que l’établissement de la filiation est contraire à l’intérêt de l’enfant.
Si la contestation de paternité est déclarée fondée, le père biologique devient automatiquement le père de l’enfant sans devoir faire en plus une reconnaissance de l’enfant.
Il faut encore toutefois préciser que dans l’hypothèse où le père biologique est de nationalité étrangère, il ne deviendra automatiquement le père légal de l’enfant que s’il respecte également les conditions de fond prévues par son droit national pour reconnaître un enfant.
Exception ?
La contestation de paternité est rejetée si l’enfant a la possession d’état à l’égard du mari.
Remarque : En droit belge, on peut parler de possession d’état d’enfant lorsque l’homme se comporte comme s’il était le père de l’enfant. La possession d’état découle d’un ensemble d’éléments appréciés par le juge. Citons par exemple, le fait que l’homme est considéré par son entourage et par la société comme le père de l’enfant, qu’il pourvoit à l’entretien et à l’éducation de l’enfant ou le fait que l’enfant porte son nom (art. 331 nonies C.civ.).
La possession d’état doit être continue.
Qui peut reconnaître un enfant en Belgique (art. 65 CODIP)?
Une personne peut acter une reconnaissance en Belgique dès que :
- cette personne est belge ; ou
- cette personne est domiciliée ou réside habituellement en Belgique au moment de la reconnaissance de l’enfant; ou
- l’enfant est né en Belgique ; ou - l’enfant a sa résidence habituelle en Belgique au moment de la reconnaissance.
Un homme en situation irrégulière en Belgique peut donc y reconnaître un enfant soit s’il peut justifier d’une résidence habituelle en Belgique, soit si l’enfant qu’il souhaite reconnaître est né en Belgique ou a une résidence habituelle en Belgique.
Notons que la reconnaissance ne sera possible que si l’homme satisfait aux conditions exigées par son droit national pour reconnaître un enfant sauf si l’application de son droit nationale est écartée pour contrariété à l’ordre public (voir la question 8).
Remarque : La notion de résidence habituelle est une notion de fait qui se comprend comme le lieu où une personne s’est établie à titre principal. Elle se traduit par la présence d’éléments de faits personnels (ex : un contrat de bail, des factures,...) ou professionnels (ex : un contrat de travail,...) qui démontrent l’existence de liens durables avec le lieu de résidence ou la volonté de créer de tels liens et de concentrer ses intérêts en Belgique. Il n’est pas exigé que la personne soit inscrite auprès de l’administration communale, ni qu’elle bénéficie d’une autorisation de séjour pour avoir une résidence habituelle en Belgique (art. 4 CODIP).
Une personne en situation irrégulière pourrait donc se prévaloir d’une résidence habituelle en Belgique.
Quelles sont les autorités belges compétentes pour recevoir la reconnaissance d’un enfant ?
En Belgique, les autorités compétentes pour acter une reconnaissance sont :
- L’officier de l’état civil (art. 62 §3 C.civ. et art. 327 C.civ.)
Il peut s’agir de l’officier de l’état civil de la commune de naissance de l’enfant, de la commune de la résidence habituelle ou du domicile des parents ou de toute autre commune belge.
Si les parents décident d’acter la reconnaissance auprès d’une autre commune que celle de la naissance de l’enfant, ils devront produire l’acte de naissance de l’enfant lorsqu’ils se présenteront à la commune.
- Le notaire
Le notaire est compétent pour recevoir la reconnaissance d’un enfant. Dans cette hypothèse, il inscrit la reconnaissance dans un acte authentique autre qu’un testament.
- Les Ambassades et Consulats belges (art. 6 de la Loi du 12 juillet 1931 relative à certains actes de l’état civil et à la compétence des agents diplomatiques et consulaires en matière d’état civil)
Les agents diplomatiques et les agents consulaires sont compétents pour acter la reconnaissance d’un enfant dès que l’auteur de la reconnaissance est belge, peu importe la nationalité et l’âge de l’enfant.
Remarque : Les consulats exercent la fonction d’officier de l’état civil lorsqu’ils se sont vus conférés cette compétence par le Ministre des Affaires étrangères (art. 2 Loi du 12 juillet 1931).
Dans quelles conditions peut-on reconnaître un enfant en Belgique?
A côté d’un établissement de plein droit de la filiation par présomption de paternité, celle-ci peut être établie par une démarche volontaire de la personne qui souhaite faire naître son lien de filiation, telle une reconnaissance d’enfant.
Il existe deux types de conditions qui doivent être respectées pour qu’une reconnaissance puisse être actée en Belgique : les conditions de fond et les conditions de forme.
a. Conditions d’établissement de la reconnaissance
- (art. 62 §1 CODIP)
Les conditions de fond (l’âge de l’enfant, la nécessité ou non du consentement de la mère de l’enfant,...) qui doivent être respectées pour qu’une reconnaissance puisse être faite en Belgique sont celles prévues par le droit dont la personne qui souhaite reconnaitre l’enfant a la nationalité.
En droit belge (art. 329bis C.civ.) (applicable si l’auteur de la reconnaissance est belge),
- La mère de l’enfant doit donner son consentement à la reconnaissance lorsque l’enfant est un mineur non émancipé ou lorsque la reconnaissance est faite avant la naissance de l’enfant ;
- L’enfant, dès l’âge de 12 ans, doit donner son consentement à sa reconnaissance à moins qu’il ne soit en état de minorité prolongée, interdit ou si le tribunal le juge privé de discernement ;
- Le représentant légal de l’enfant doit donner son consentement lorsque l’enfant est mineur non émancipé et n’a pas de parents ou si sa mère est décédée ou dans l’impossibilité de donner son consentement.
Si les personnes requises refusent de donner leur consentement, l’homme qui souhaite reconnaitre l’enfant peut les citer devant le tribunal de Première instance du domicile de l’enfant pour une tentative de conciliation. Si la conciliation échoue, le juge permet la reconnaissance de l’enfant s’il n’est pas établi que l’homme qui désire reconnaître l’enfant n’est pas son père biologique.
Le juge peut toutefois refuser d’accorder la reconnaissance (même si l’homme est bien le père biologique) lorsque la reconnaissance concerne un enfant de plus d’un an et si elle est manifestement contraire à son intérêt.
b. Conditions de forme de la reconnaissance (art. 64 CODIP)
Il est admis que la reconnaissance d’un enfant puisse être actée selon les formalités prévues :
- soit par le droit applicable à la filiation (le droit national de l’auteur de la reconnaissance au moment de la reconnaissance) ;
- soit par le droit de l’Etat sur le territoire duquel l’acte de reconnaissance est dressé.
Toutefois, si la reconnaissance est faite en Belgique, elle sera établie selon les formalités prévues par le droit belge.
En droit belge, les formes prescrites par le droit belges sont les suivantes :
- La reconnaissance se fait dans l’acte de naissance ou dans un acte authentique distinct, à l’exception d’un testament.
- Lorsque l’homme qui veut reconnaitre l’enfant est marié, l’officier de l’état civil (ou le notaire) est tenu d’informer son épouse dans un délai de trois jours (art. 62 §3 C.civ.).
Cette obligation est une condition d’opposabilité de la reconnaissance : la reconnaissance est inopposable à l’épouse et à leurs enfants communs tant que l’épouse n’aura pas reçu cette information. Cette exigence n’est donc pas une condition préalable à la reconnaissance d’un enfant.
- Les documents à présenter à l’officier de l’état civil (ou au notaire) pour acter une reconnaissance sont:
- une preuve de l’état civil de la mère (afin vérifier qu’aucune présomption de paternité n’est d’application si la mère est mariée) ;
- une preuve de l’état civil du père (afin d’avertir, le cas échéant, l’épouse de l’homme qui souhaite reconnaître l’enfant) ;
- une preuve de la nationalité du père;
- une preuve de l’identité des parents ;
- l’acte de naissance de l’enfant si la reconnaissance se fait auprès d’un officier de l’état civil d’une commune autre que celle de la naissance de l’enfant.
Exemple : Un homme hollandais vit en Angleterre et souhaite reconnaitre un enfant qui vit en Belgique. Il pourra reconnaître cet enfant en Belgique s’il répond aux conditions de fond fixées par le droit hollandais. Dans cette hypothèse, il devra se rendre auprès des autorités désignées compétentes par le droit belge, produire les documents et respecter les formes exigées par le droit belge.
Peut-on reconnaitre, en Belgique, un enfant lorsque le droit national de l’auteur de la reconnaissance ne permet pas d’établir un lien de filiation hors mariage ?
Si le droit national de l’auteur de la reconnaissance (droit applicable aux conditions de fond de la reconnaissance) ne permet pas l’établissement de la filiation en dehors des liens du mariage, l’on écartera généralement l’application de ce droit étranger au profit du droit belge et ce, parce qu’on estime contraire à notre ordre public international l’impossibilité absolue d’établir un lien de filiation hors mariage en raison de la discrimination ainsi créée entre les enfants légitimes et illégitimes.
L’écartement du droit étranger normalement applicable à la filiation est toutefois moins systématique lorsque le droit étranger organise un mode volontaire d’établissement de la filiation hors mariage, tel la reconnaissance, mais ne permet pas, dans le cas d’espèce, que la reconnaissance se fasse parce que toutes les conditions de reconnaissance que ce droit impose ne sont pas remplies. Dans ce cas, la ou les conditions non remplies pourront être écartées au profit d’autres dispositions pertinentes du droit étranger ou au profit du droit belge si elles sont jugées contraire à l’ordre public.
Remarque : La notion d’ordre public doit s’apprécier en tenant compte de l’intensité du rattachement de la situation avec la Belgique et de la gravité des conséquences que provoquerait l’application du droit étranger en Belgique (art. 21 CODIP).
Un homme peut-il reconnaitre l’enfant d’une femme mariée ?
- En principe, dans la majorité des droits, le mari de la mère est considéré comme le père de l’enfant. Toutefois, certains droits étrangers comme le droit belge envisagent des situations où cette présomption de paternité est écartée.
Dans ces hypothèses, lorsqu’il n’y pas de filiation établie au profit du mari, la reconnaissance de l’enfant pourrait alors être envisagée dans le respect des conditions prévues par la loi applicable à la reconnaissance (voir la question 8).
Il convient donc dans un premier temps de vérifier dans le droit de l’Etat dont le mari de la mère a la nationalité si la présomption de paternité s’applique et si, par conséquent, le mari est considéré comme le père de l’enfant.
- Si la présomption de paternité s’applique, pour pouvoir reconnaitre l’enfant, il faudra au préalable contester la paternité du mari de la mère.
La possibilité et les conditions d’une action en contestation sont fixées par le droit de l’Etat dont le père légal a la nationalité (voir la question 5).
Exemple : Une femme belge est mariée avec un homme de nationalité marocaine. Elle a un enfant, pendant son mariage, avec un autre homme de nationalité suisse. Si cet homme souhaite reconnaitre l’enfant, il faudra tout d’abord vérifier si le droit marocain permet d’écarter, dans notre cas précis, la présomption de paternité du mari.
Si le droit marocain envisage la non-application de la présomption de paternité, l’homme suisse pourra reconnaitre l’enfant pour autant qu’il réponde aux conditions du droit suisse en matière de reconnaissance.
Si le droit marocain ne permet pas d’écarter la présomption de paternité du mari, le mari deviendra le père de l’enfant. Pour que l’homme de nationalité suisse puisse reconnaître l’enfant, il faudra contester la paternité du mari de nationalité marocaine selon les conditions prévues en droit marocain
Peut-on contester la reconnaissance d’un enfant (art. 62 CODIP)?
Comme pour l’établissement du lien de filiation par la reconnaissance, la possibilité, les conditions et les délais pour contester la reconnaissance d’un enfant sont à vérifier dans le droit dont l’auteur de la reconnaissance a la nationalité au moment de la reconnaissance.
En droit belge (art. 330 C.civ.) (applicable si l’auteur de la reconnaissance est belge),
Qui peut contester la reconnaissance ?
La reconnaissance peut être contestée par la mère, l’enfant, l’auteur de la reconnaissance ou par la personne qui revendique la paternité de l’enfant.
L’action en contestation de reconnaissance intentée par l’auteur de la reconnaissance, la mère ou l’enfant n’est recevable que si celui qui introduit l’action en contestation prouve que son consentement à la reconnaissance était vicié. Lorsque la reconnaissance a été autorisée par le juge suite au refus de l’enfant ou de la mère de donner son consentement, ces personnes ne pourront pas ensuite agir en contestation de la paternité du père ainsi établie.
Quand ?
- L’action de la mère ou de l’auteur de la reconnaissance doit être introduire dans l’année de la découverte de la non paternité de l’auteur de la reconnaissance.
- L’action de l’homme qui revendique la paternité de l’enfant doit être intentée dans l’année de la découverte de sa paternité.
- L’action de l’enfant doit être intentée à partir de ses 12 ans et jusqu’à ses 22 ans ou après ses 22 ans s’il agit dans l’année de la découverte de la non paternité de l’homme qui l’a reconnu.
Objet de la preuve et fondement de l’action?
- De manière générale, la reconnaissance n’est annulée que si celui qui la conteste établit que l’auteur de la reconnaissance n’est pas le père de l’enfant.
- Dans le cadre d’une action en contestation introduite par celui qui revendique la paternité de l’enfant, la reconnaissance n’est annulée que s’il prouve qu’il est le père biologique de l’enfant et si les conditions de l’article 332 quinquies du Code civil sont respectées
A ce propos, l’article 332 quinquies précise notamment que l’action en contestation de paternité introduite par le père biologique n’est pas recevable lorsque l’enfant majeur ou l’enfant mineur émancipé s’y oppose. Elle est également irrecevable en cas d’opposition de l’enfant de douze ans ou de la mère d’un enfant d’au moins un an si le juge estime que l’établissement de la filiation est contraire à l’intérêt de l’enfant.
Si la contestation de paternité est déclarée fondée, le père biologique devient automatiquement le père de l’enfant sans devoir faire en plus une reconnaissance de l’enfant.
Il faut encore préciser que dans l’hypothèse où le père biologique est de nationalité étrangère, il ne deviendra automatiquement le père légal de l’enfant que s’il respecte également les conditions de fond prévues par son droit national pour reconnaître un enfant.
Exception ?
La contestation de la reconnaissance sera rejetée si l’enfant a la possession d’état à l’égard de l’auteur de la reconnaissance. Cette exception vaut également lorsque la contestation a été introduite par l’auteur de la reconnaissance lui-même.
Remarque : En droit belge, on peut parler de possession d’état d’enfant lorsque l’homme se comporte comme s’il était le père de l’enfant. La possession d’état découle d’un ensemble d’éléments appréciés par le juge. Citons par exemple, le fait que l’homme est considéré par son entourage et par la société comme le père de l’enfant, qu’il pourvoit à l’entretien et à l’éducation de l’enfant ou le fait que l’enfant porte son nom (art. 331 nonies C.civ.).
La possession d’état doit être continue.
Qu’en est-il lorsque le lien de filiation établi en Belgique n’a pas été correctement déterminé ?
• Si l’autorité belge commet une erreur dans la désignation du droit étranger applicable à la filiation ou
Exemple : le droit français, droit de la nationalité de l’enfant est appliqué au lieu du droit espagnol, droit de la nationalité du père, qui aurait dû être appliqué.
• Si l’autorité belge détermine correctement le droit étranger applicable mais qu’une erreur est commise dans l’interprétation de ce droit,
Exemple : Un enfant nait en dehors du délai légal de présomption de paternité prévu par la loi nationale du mari de la mère. Mais l’officier de l’état civil belge inscrit erronément dans l’acte de naissance le nom du mari comme celui du père de l’enfant, alors que la présomption de paternité devait être écartée.
Dans ces deux hypothèses, il y aura lieu de demander la rectification de l’acte de naissance en vue d’y supprimer le lien de filiation erronément établi et d’y inscrire la filiation correcte, tel qu’elle aurait dû être désignée en vertu des règles de droit ninternationl privé (voir les questions 2 et 4).
Cette rectification peut être demandée auprès du tribunal de première instance (art. 1383 à 1385 C.jud.), sauf si elle peut faire l’objet d’une rectification directement réalisée par l’officier de l’état civil sur avis du Parquet (art. 99 et 100 C.civ.).
Il n’est donc pas nécessaire de procéder à une contestation de paternité.
Peut-on imposer l’établissement de la paternité à l’égard d’un homme qui la refuse ?
La possibilité et les conditions qui permettent de rechercher la paternité d’un homme sont à vérifier dans le droit de l’Etat dont l’homme à l’égard duquel on souhaite établir le lien de filiation a la nationalité (art. 62 CODIP).
En droit belge (applicable si l’homme dont on souhaite établir la paternité est belge),
Qui peut agir en recherche de paternité ?
L’enfant, sa mère ou son père légal (à titre personnel ou en tant que représentants de l’enfant) peut introduire une action en recherche de paternité.
En cas de décès de l’enfant, seuls ses descendants peuvent introduire une action en recherche de paternité (via leur représentant légal) et ce, avant les 25 ans de leur parent décédé.
Quand ?
L’action en recherche de paternité peut être introduite dans un délai de 30 ans à partir du jour où la possession d’état à l’égard du père prétendu prend fin ou à partir du jour de la naissance de l’enfant.
Dans le chef de l’enfant, le délai de 30 ans est suspendu jusqu’à sa majorité.
Pour les enfants nés avant l’entrée en vigueur de la loi de 1987, le délai de 30 ans commence à courir à partir de la date d’entrée en vigueur de la loi de 1987, le 30 juin 1987.
Objet de la preuve ?
La preuve de la paternité doit être rapportée soit par la possession d’état, soit par toute voie de droit.
La paternité est présumée lorsqu’il est prouvé que l’homme a eu des relations avec la mère pendant la période légale de conception. Cette présomption peut être renversée s’il existe des doutes sur la paternité de cet homme (art. 324 C.civ.).
Conditions?
- Il ne peut exister entre la mère de l’enfant et l’homme contre qui l’action est intentée un empêchement à mariage qui ne peut être dispensé par le Roi (art. 325 C.civ.).
- La mère de l’enfant mineur non émancipé doit donner son consentement.
- L’enfant majeur, l’enfant mineur émancipé ou l’enfant non émancipé de 12 ans (qui n’est ni en minorité prolongée, ni interdit, ni jugé privé de discernement) doit également donner son consentement.
En cas d’opposition de l’enfant mineur non émancipé de 12 ans ou de la mère d’un enfant d’au moins un an, l’action en recherche de paternité sera rejetée que si l’établissement de la paternité est manifestement contraire à l’intérêt de l’enfant.
Information ?
Si le père prétendu est marié avec une autre femme que la mère de l’enfant et si l’enfant a été conçu pendant leur mariage, l’épouse doit être informée du jugement qui établit le lien de filiation entre l’enfant et son mari.
A défaut de cette information, le jugement ne sera opposable ni à l’épouse, ni aux enfants communs (art. 322 C.civ.).
Qu’en est-il lorsque une filiation est établie au profit de différentes personnes du même sexe (= conflit de filiation) ? (art. 62 §2 CODIP)
Il y a conflit de filiation lorsqu’une filiation est établie valablement au profit de plusieurs personnes (voir la question 2).
- S’il y a un conflit de filiation entre une filiation établie de plein droit par la loi et une reconnaissance, le droit qui établit la filiation résultant de plein droit de la loi (ex : la présomption de paternité) détermine quel sera l’effet d’une reconnaissance sur la filiation établie de plein droit.
Exemple : Un homme belge, marié avec la mère de l’enfant, est inscrit en Belgique comme le père de l’enfant en raison de la présomption de paternité prévue en droit belge. Un autre homme, dont le droit national écarte la présomption de paternité du mari de la mère, reconnait l’enfant dans son pays. Cet homme décide ensuite de venir s’installer en Belgique et souhaite faire valoir son lien de filiation.
Dans cette situation, il existe un conflit de filiation entre une paternité établie de plein droit par la loi et une paternité établie par reconnaissance. La solution à ce conflit doit être trouvée dans le droit applicable à la filiation établie automatiquement par la loi (la présomption de paternité), donc le droit belge dans notre exemple. Selon le droit belge, c’est la présomption de paternité qui l’emporte sur la reconnaissance.
Si l’auteur de la reconnaissance souhaite établir sa paternité à l’égard de l’enfant, il devra dans un premier temps contester la paternité du mari de la mère (sur le sujet, voir la question 5).
- Si les différentes filiations établies à l’égard de l’enfant sont toutes des filiations établies automatiquement par la loi, la solution à ce conflit de filiation doit être recherchée dans le droit de l’Etat avec lequel la situation a les liens les plus étroits.
Exemple : Un lien de filiation est établi d’une part, selon le droit italien, au profit d’un homme italien en tant qu’ex-époux de la mère de l’enfant et d’autre part, selon le droit belge, au profit d’un homme belge en tant que nouvel époux de la mère de l’enfant. Deux filiations sont ici établies par présomption de paternité.
La mère, son mari et l’enfant vivent tous les trois en Belgique. Dans cette hypothèse, on pourrait considérer que la situation présente des liens plus étroits avec la Belgique et donc vérifier dans le droit belge la solution à ce conflit de filiation.
- Il peut également y avoir conflit de filiation lorsqu’un enfant est reconnu valablement par plusieurs personnes. Dans cette situation, la solution au conflit de filiation est à rechercher dans le droit appliqué pour établir la première reconnaissance.
Exemple : Un enfant est reconnu en Espagne par un homme espagnol et plus tard, par un homme de nationalité anglaise en Angleterre. L’enfant et sa mère s’établissent en Belgique. Pour la Belgique, c’est le droit espagnol qui déterminera quelle reconnaissance l’emportera sur l’autre.
Quand le juge belge est-il compétent pour statuer sur une question en matière de filiation (art. 61 CODIP)?
Le juge belge peut être saisi d’une action en matière d’établissement ou de contestation de filiation si, soit :
- l’enfant réside habituellement en Belgique au moment de l’introduction de l’action ;
- la personne dont la paternité (ou la maternité) doit être établie ou contestée réside habituellement en Belgique au moment de l’introduction de l’action ;
- l’enfant ou la personne dont la paternité (ou la maternité) doit être établie ou contestée est belge au moment de l’introduction de l’action.
Remarque : La notion de résidence habituelle doit se comprendre comme : « le lieu où une personne physique s’est établie à titre principal, même en l’absence de tout enregistrement et indépendamment d’une autorisation de séjourner ou de s’établir » (art. 4 CODIP).
Ce lieu peut-être déterminé sur base d’éléments de faits personnels (ex : contrat de bail, factures, témoignages de voisins,...) ou professionnels (ex : contrat de travail au nom de la personne et mentionnant son adresse,...) « qui révèlent des liens durables avec ce lieu ou la volonté de nouer de tels liens » (art. 4 CODIP).
Le fait de résider quelques temps dans un pays sans la volonté d’y vivre durablement, par exemple dans le cadre de vacances, ne répond pas à la définition de « résidence habituelle ».
Un lien de filiation établi à l’étranger sera-t-il reconnu en Belgique ?
-
Si le lien de filiation est établi dans un acte authentique (art. 27 CODIP)
Un lien de filiation établi dans un acte authentique, tel l’acte de naissance, sera reconnu en Belgique s’il a été établi en respectant :
- Les conditions de fond fixées par le droit de l’Etat dont le père avait la nationalité au moment de la naissance de l’enfant, dans le cas d’un lien de filiation résultant automatiquement de la loi (ex : présomption de paternité) ou au moment de la reconnaissance de l’enfant (art. 62 CODIP).
- Les conditions de forme requises pour acter une reconnaissance. Il s’agit des formalités qui sont prévues soit par le droit applicable à la filiation (le droit national de l’auteur de la reconnaissance), soit par le droit de l’Etat sur le territoire duquel l’acte de reconnaissance a été établi (art. 64 CODIP).
Le lien de filiation ne sera pas reconnu en Belgique s’il est contraire à l’ordre public ou s’il a été établi en fraude de la loi applicable à la filiation selon le CODIP (à ce sujet, voir la question 2).
-
Si le lien de filiation résulte d’une décision judiciaire (art. 22 et 25 CODIP)
Un jugement étranger établissant le lien de filiation d’une personne à l’égard d’un enfant sera reconnu en Belgique sans procédure pour autant que ce jugement ne soit pas contraire à l’un des motifs prévus à l’article 25 du CODIP.
Ces motifs de refus de reconnaissance sont les suivants :
- le jugement étranger a un effet incompatible avec l’ordre public ;
- les droits de la défense n’ont pas été respectés ;
- le jugement étranger a été prononcé dans le seul but d’échapper à la loi applicable à la filiation en vertu du CODIP (= fraude à la loi) ;
- le jugement étranger n’est pas considéré comme définitif dans l’Etat où il a été rendu;
- le jugement est inconciliable avec une décision rendue en Belgique ou avec une décision rendue antérieurement à l’étranger et qui est ou pourrait être reconnue en Belgique ;
- la demande qui a fait l’objet du jugement a été introduite à l’étranger alors qu’une même demande avait été introduite et était toujours pendante en Belgique entre les même parties ;
- la compétence du juge étranger pour pouvoir rendre le jugement était fondée uniquement sur la présence du défendeur dans le pays où le jugement a été rendu.
Que faire lorsqu’une autorité belge refuse de reconnaitre un lien de filiation établi à l’étranger?
Lorsque l’autorité belge à qui l’acte de naissanceou de reconnaissance est présenté (ex: l’officier de l’état civil, l’Office des étranger, l’Ambassade ou le Consulat belge,…) refuse de reconnaitre le lien de filiation qui est mentionné dans l’acte, une action en reconnaissance peut-être introduite devant le tribunal de première instance. Celui-ci verifiera si les conditions de reconnaissance sont remplies (voir la question 16).
Si le tribunal reconnait le lien de filiation, sadécisionaura autorité de chose jugée à l’égard des autres autrotiés belges. Celles-ci ne pourront plus contester le lien de filiation.
Quel est l’effet de l’établissement de la filiation sur le nom (art. 37 et 38 CODIP)?
L’effet qu’a l’établissement du lien de filiation sur le nom de l’enfant est fixé par le droit de l’Etat dont l’enfant a la nationalité et non par le droit qui a été appliqué à la détermination du lien de filiation. (à ce sujet, voir fiche pratique "le nom")
En doit belge (applicable si l’enfant est belge) (art. 335 C.civ.),
- L’enfant dont seule la filiation paternelle est établie ou dont la filiation paternelle et maternelle sont établies en même temps porte le nom de son père.
- Si seule la filiation maternelle est établie, l’enfant porte le nom de sa mère.
- Si la filiation paternelle est établie après la filiation maternelle, l’enfant garde le nom de sa mère sauf si les parents déclarent conjointement à l’officier de l’état civil qu’ils souhaitent que l’enfant porte le nom de son père. Si l’un des deux parents est décédé, l’autre peut faire seul cette déclaration.
La déclaration doit être faite dans l’année où les parents ont connaissance de l’établissement de la paternité
Exemple : Un homme de nationalité suédoise souhaite reconnaitre un enfant belge. Le droit suédois déterminera dans quelles conditions la reconnaissance peut être faite. Le droit belge déterminera quel sera l’effet de cette reconnaissance sur le nom de l’enfant.
Bases légales
- Code civil, art. 99 et 100, art. 312 à 335.
- Code judiciaire, art. 1383 à 1385.
- Loi du 1er juillet 2006 modifiant les dispositions du Code civil relatives à l’établissement de la filiation et aux effets de celle-ci, M.B., 29 décembre 2006.
- Loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé, M.B., 27 juillet 2004.
- Loi du 12 juillet 1931 relative à certains actes de l’état civil et à la compétence des agents diplomatiques et consulaires en matière d’état civil, M.B., 31 juillet 1931, art. 2 et 6.
- Circulaire du 7 mai 2007 relative à la loi du 1er juillet 2006 modifiant les dispositions du code civil relatives à l’établissement de la filiation et aux effets de celle-ci, M.B., 30 mai 2007.
- Circulaire du 23 septembre 2004 relative aux aspects de la loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé concernant le statut personnel, M.B., 28 septembre 2004.