La Cour constitutionnelle donne le feu vert à la stigmatisation des familles en migration
Cette fin de septembre signe l’automne des familles étrangères. Publication, lundi 23, de la loi visant à lutter contre les mariages et cohabitations de complaisance[1]; prononcé, jeudi 26, de l’arrêt de la Cour constitutionnelle[2] saisie en annulation de la réforme de 2011 sur le regroupement familial[3]. Deux lois fondées sur de soi-disant fraudes et abus jamais objectivés en termes de chiffres, laissant la part belle à la stigmatisation des familles migrantes, et qui renforcent les outils de lutte contre l’immigration familiale, jusqu’à l’incohérence.
La première loi[4] s’attaque à la constitution même du lien matrimonial en renforçant singulièrement le contrôle préalable à la célébration d’un mariage ou d’une cohabitation légale entre conjoints. A noter que la loi de 2011 avait déjà renforcé les conditions du regroupement familial en cas de partenariat enregistré, précisément pour lutter contre les situations de complaisance[5]. La nouvelle loi aggrave également les sanctions pénales et permet au juge pénal d’annuler le mariage ou la cohabitation de complaisance[6].
La loi du 8 juillet 2011 qui concerne, pour sa part, les conditions mises au regroupement familial, a redessiné complètement le visage du droit à vivre en famille pour les familles migrantes. Elle a imposé, pour la première fois, des conditions de ressources drastiques (120 % du revenu d’intégration sociale taux ménage), a multiplié les discriminations entre les différents statuts de regroupement familial, et a créé, fait inédit dans l’histoire belge de l’immigration, un statut moins favorable pour la famille du Belge que pour la famille des citoyens européens. Cette opération est qualifiée dans le jargon de « discrimination à rebours ». En outre, cette loi ne prévoyait aucune mesure transitoire, laissant dans le plus grand désarroi les familles qui avaient déjà introduit la demande mais pour lesquelles l’administration ne s’était pas encore positionnée à la date d’entrée en vigueur du 22 septembre 2011 : ces familles seraient traitées selon les nouveaux critères plus restrictifs. Sans surprise, la pratique de l’administration s’est révélée à l’avenant. Entre autres, la condition de ressources stables, régulières et suffisantes a fait l’objet d’une approche strictement formelle et rigoriste ; politique draconienne que les services juridiques et sociaux ont pu observer sur le terrain.
Plusieurs dizaines de recours en annulation ont été introduits contre cette loi par de nombreux particuliers et des associations de défense des droits de l’Homme. Ils ont été examinés par la Cour constitutionnelle, qui vient de rendre son arrêt. Sauf quelques miettes ne faisant pas toujours l’objet de contestation par l’Etat belge, la Cour balaie de façon lapidaire tous les arguments soulevés sur les questions pourtant complexes et de principe, relatives aux catégories vulnérables, aux conditions de ressources, à la discrimination à rebours, et à l’absence de dispositions transitoires.
Nous proposons ci-dessous de parcourir le contenu de l’arrêt de la Cour constitutionnelle.