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Pays d’origine sûrs : pas de réfugié Rom dans mon jardin

Le terme Rom renvoie à l’une des composantes des groupes nomades ou d’origine nomade en Europe, à savoir les tziganes - l’autre groupe étant constitué des voyageurs. Originaires du nord-ouest de l’Inde, les tziganes se subdivise eux-mêmes en plusieurs groupes, parmi lesquels les Roms (implantés en Europe balkanique, centrale et orientale)[1]. Il faut cependant d’emblée souligner que les Roms forment une réalité particulièrement disparate, sous l’angle de la langue, des coutumes, de la religion, de la condition socio-économique, etc., et que par ailleurs, nombre de personnes vues comme telles ne se reconnaissent pas dans cette désignation. Le terme « Rom » doit dès lors être utilisé avec circonspection[2]. Dans cet éditorial, nous souhaitons revenir sur une question particulière, soit la protection internationale des personnes d'origine Rom en provenance des Balkans pour solliciter l’asile en Belgique.

On se rappellera que les lois du 19 janvier 2012 et 15 mars 2012[3], adoptées dans l’urgence, ont modifié la loi sur le séjour, en intégrant dans le paysage de l’asile, le concept de « pays d’origine sûr ».

La réforme s’appuyait sur la directive européenne « procédure »[4], selon laquelle « un aspect essentiel pour lappréciation du bien-fondé dune demande dasile est la sécurité du demandeur dans son pays dorigine. Lorsquun pays tiers peut être considéré comme un pays dorigine sûr, les États membres devraient pouvoir le désigner comme tel et présumer quun demandeur donné y est en sécurité, sauf si celui-ci présente des éléments sérieux en sens contraire » (considérant 17).

La directive dégage des critères communs permettant de désigner des pays d’origine sûrs au niveau national – faute d’avoir pu se mettre d’accord sur une liste commune[5]- en vue de soumettre ces catégories à des procédures d’examen prioritaires ou accélérées. Elle prescrit une série de mesures contraignantes dans la détermination des pays concernés, que les Etat sont tenus de respecter scrupuleusement, s’agissant de restrictions à un droit fondamental.  

Ces conditions sont reprises à l’annexe II de la directive « procédure » qui précise que :

« Un pays est considéré comme un pays dorigine sûr lorsque, sur la base de la situation légale, de lapplication du droit dans le cadre dun régime démocratique et des circonstances politiques générales, il peut être démontré que, dune manière générale et uniformément, il ny est jamais recouru à la persécution (…), ni à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants et quil ny a pas de menace en raison de violences indiscriminées dans des situations de conflit armé international ou interne.

Pour réaliser cette évaluation, il est tenu compte, entre autres, de la mesure dans laquelle le pays offre une protection contre la persécution et les mauvais traitements, grâce aux éléments suivants:

a) les dispositions législatives et réglementaires adoptées en la matière et la manière dont elles sont appliquées;

b) la manière dont sont respectés les droits et libertés définis dans la convention européenne de sauvegarde des droits de lhomme et des libertés fondamentales et/ou dans le pacte international relatif aux droits civils et politiques et/ou la convention contre la torture, en particulier les droits pour lesquels aucune dérogation ne peut être autorisée conformément à larticle 15, paragraphe 2, de ladite convention européenne;

c) la manière dont est respecté le principe de non-refoulement au sens de la convention de Genève;

d) le fait quil dispose dun système de sanctions efficaces contre les violations de ces droits et libertés ».

Initialement, la liste belge a été fixée par arrêté royal du 26 mai 2012[6], sur avis du CGRA, et est en vigueur depuis le 30 mai 2012. Elle comporte 5 pays des Balkans (Albanie, Bosnie-Herzégovine, ARYM, Kosovo, Serbie, Monténégro) et l’Inde. Pour les ressortissants de ces pays, la loi belge permet au CGRA de présumer les demandes d’asile comme non fondées et de les rejeter dans un délai de 15 jours. Ce mécanisme réduit sensiblement la possibilité pour les demandeurs de rechercher des preuves alors que l’exigence en est accrue pour renverser la présomption, de faire les constats médicaux éventuellement nécessaires, de bénéficier de l’aide juridique, etc. Les décisions qualifiées de « non prise en considération » sont ensuite uniquement susceptibles d’un recours non suspensif en annulation devant le Conseil du contentieux des étrangers. Il en découle que, pendant l’examen du recours, à l’objet particulièrement limité, les personnes ne bénéficient ni du droit de séjour, ni du droit à l’accueil, contrairement aux autres demandeurs d’asile.


[1] A. Reyniers, « Ces gens qui dérangent, en Belgique comme ailleurs en Europe », in Les Roms face au droit en Belgique, FUNDP, La Charte, 2012, p. 8.

[2] Voyez à ce sujet M. Olivera, « La question Rom, critique d’une figure imposée », Migrations magazine, numéro 6, p. 32.

[3]MB, respectivement, 27 février 2012 et 30 mars 2012. Voyez L. Leboeuf, « Les pays sûrs en droit belge de l’asile.- Le « pays d’origine sûr », « pays tiers sûr » et « premier pays d’asile » dans la loi de 1980 et la jurisprudence du conseil du contentieux des étrangers », RDE, n° 168, 2012, p. 193 et s.

[4] Directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres.

[5] Voyez Statewatch : « EU divided over list of “safe countries of origin” – Statewatch calls for the list to be scrapped », September 2004, http://www.statewatch.org/news/2004/sep/safe-countries.pdf . Voyez également l’arrêt CJCE, 6 mai 2008, aff. C-133/06, Parlement européen c/ Conseil de l'Union européenne, qui annula dans la directive les dispositions conférant compétence au Conseil pour établir cette liste. A noter que la refonte de la directive procédure n’a pas repris la possibilité de définir une liste commune minimale (Council of the European Union, Amended proposal for a Directive of the European Parliament and of the Council on common procedures for granting and withdrawing international protection status (Recast) [First reading] - Analysis of final compromise text with a view to agreement, 7434/13 ASILE 10 CODEC 629).

[6] MB, 1er juin 2012.